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Philippe Tancelin, la Palestine et la poésie

Publié le vendredi 13 avril 2018, Thèmes : - Culture

Philippe TANCELIN, philosophe et poète, écrit depuis toujours pour donner leur place aux peuples en lutte qui résistent pour leur liberté.
Que ce soient les Irlandais.e.s, les Allemand.e.s, les Palestinien.ne.s….

Vendredi 13 avril 2018, il était à Aubenas pour lire des poèmes d’auteurs palestiniens : Mahmoud Darwich, Samih al Qasim, Anas Alaili, dans le cadre de « Palestine...poésie en vue », écho aufestival de films palestiniens d’ERAP « Palestine en vue » qui vient de se dérouler en région Rhône-Alpes.

A cette occasion il a confié un texte sur le rôle de la poésie pour les Palestinien.ne.s dont voici des extraits (les mots mis en italique le sont par nous) :

« Pour les premiers réfugiés, exilés palestiniens, mais aussi pour toutes celles et ceux restés sur la terre de Palestine malgré l’occupation et l’expansion des colonies israéliennes, la poésie a joué et joue toujours un rôle essentiel en tant qu’ambassadrice culturelle de la cause du peuple palestinien et sa résistance pour la création d’un état démocratique pluriconfessionnel, multiculturel.

Depuis 70 ans, plusieurs générations de poètes se sont ainsi succédé. Parmi ces poètes, les plus connus en Occident se nomment : (Mahmoud Darwich...Samih Al Qâssim...) mais il y en a aussi beaucoup d’autres très appréciés du peuple palestinien. Ils portent en leur écriture, les odeurs de la terre, les parfums des fleurs et des arbres fruitiers sous les quatre saisons. Ils n’ont pas tant exprimé la nostalgie, la soif, la faim d’un pays dans lequel il ferait bon devenir et grandir, qu’affirmé le besoin pour la terre elle-même d’abriter et de faire vivre en paix les enfants qu’elle a vus naître et qui lui prodiguaient leurs soins amoureux aussi bien que protecteurs de ses fertilités.
………

Soixante dix ans après ce qu’on pourrait nommer les « poètes de la résistance », l’exigence de la reconnaissance du droit d’un peuple à disposer de lui-même, à choisir son organisation en société, à jouir de ses droits universels, n’a pas faibli. Aujourd’hui les jeunes poètes palestiniens sous occupation ou en exil, n’ont pas cédé leur souffle pour une quelconque accoutumance aux tribulations de l’’histoire et à la suspension des signes d’avenir adressés à leur peuple. Leur langue est autant pétrie de la dimension allégorique dont leur culture est porteuse et elle ne déploie pas moins de féeriques horizons, hérités des flots de contes de la tradition.
……..

Cette langue, jeune, de la poésie contemporaine palestinienne fait ce jour le compte de la durée qui depuis trois générations voit se poursuivre sans fin apparente et selon une tonalité d’échec, le scénario redondant des événements de ballets diplomatiques.
…...

Ce n’est ni un moral de fer, d’acier mais ce moral de TERRE où l’olivier plusieurs fois centenaire, s’accroît en puissance de tenir à son sol, c’est un moral à la mesure de la vastitude autant que de la diversité des paysages d’écriture que la nature offre à l’Homme.

……...

En ce début du 21è siècle, les poètes non moins que les artistes palestiniens ont une hauteur d’espérance, d’optimisme qui malgré les coups portés, résonne de la richesse généreuse de la terre : cette terre plus grande et forte que toutes les petitesses, les ambitions mortifères rassemblées en une puissante armée humaine suréquipée. Leur poésie est plus ferme, tenace et créative que les imaginaires les plus sophistiqués des consciences guerrières . La puissance de la poésie palestinienne tient aujourd’hui à sa foi en la grandeur du verbe pour affronter la bassesse des pourfendeurs d’espoir, la cruauté des persécuteurs de mémoire, la prétention des raisonneurs. .. »


Philippe Tancelin est également l’auteur d’un poème sur Ahed Tamimi, cette jeune femme palestinienne de 17 ans arrêtée puis condamnée à 8 mois de prison pour avoir giflé un des soldats israéliens qui envahissaient brutalement sa maison :

« Au rendu d’injustice qu’offre un jugement de peur

A vous dont l’indignité des verdicts
orne le visage de votre justice
A vous dont la médiocrité porte en triomphe
cette ombre qui dissimule l’Homme derrière son uniforme
A vous autres...
lâches complices des Cours de silence
qui portez affront aux mémoriaux de l’humanité...

Qu’ignorez-vous à ce point de la beauté
que le juste vous gifle sur son honneur
Que n’attendez-vous plus de l’avenir
que le couronnement de la laideur sous les masques
de l’autorité

Huit mois seront privés de vent dans ses tresses blondes
Huit mois seront perdus d’horizon au fil de ses yeux d’eau
Huit mois seront hantés d’étreintes à chacun de ses gestes...
ses attentions à l’autre...
Huit mois de rires solaires de sa tendresse
seront rompus par les barreaux...
Mais...
Huit mois pour rassembler ses forces lucides
contre vos blessures
Huit mois de cellule pour marcher dans les ailes de sa liberté

L’audace de vous vaincre a sa fable
dans le présent courage de vous défier
du haut de ses seize ans

Une autre leçon d’histoire non moins que d’amour fier
s’écrit là
sur les cahiers fleuris d’un peuple
face à vos murs mortifères
Se dresse là dans les fers
le rendez-vous d’âme
manquant à votre humanité

Huit mois avez-vous prononcé...militairement
Huit mois... mais de gloire ferme à vos dépens ... « 

Philippe Tancelin
poète philosophe
Mars 2018

Il a également écrit un poème sur l’actualité de Gaza :

« plan-silence
sur un Gazzaouicide

Et vous aimiez la vie...
Et contre le retour de vos frères
ils ont tiré-réel
à balles sans retour

Et vous aimiez la vie...
Et contre votre approche sans armes
ils ont exécuté leurs menaces
à pleine mort

Et vous aimiez la vie...
Et contre votre avancée de Paix
ils ont poursuivi la guerre
à tueurs sans las

Ils ont visé les colombes
leurs ailes blessées errent aux consciences
l’air est rouge entre les ombres de l’olivier
un ton de flûte passe sur la poussière...

"Un peu de retenue"
messieurs les gouvernants—fauteurs de mur
à claire-voie du silence
Le temps se couvre de mousse
mais ne taira pas le ululement de la chouette
au-dessus de vos palais

Quand des innocents le sang coule
sur la terre occupée
le crépuscule des faux-dieux se promet
par le solaire qui passe la frontière
avec ses résistants « 

Philippe Tancelin
poète, philosophe
7 avril 2018

Pour conclure avec les mots de Philippe Tancelin :

« A la différence de beaucoup de clichés relatifs au rôle de la poésie dans l’histoire, la poésie palestinienne contemporaine n’a d’autre prétention que repousser les langues de la médiocrité et leurs crimes historiques, dans la patrie de leur barbarie, hors de tout seuil de tolérance... »

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