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le secteur des technologies de l’information a le vent en poupe en Palestine

Publié le jeudi 1er août 2019, Thèmes : - Économie

article lu sur lOpinion.fr
L’arrivée en 2009 d’un second opérateur, Wataniya, et le développement de la 3G ont ouvert de nouvelles perspectives à l’écosystème tech palestinien.

Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui emploie plus de 9 000 personnes pour un chiffre d’affaires estimé à 700 millions de dollars par an, est l’un des plus prometteurs de l’économie palestinienne.
L’écosystème est porté par les start-up qui mûrissent au sein d’incubateurs à Ramallah et à Gaza.

- A Ramallah.

Le 3 juillet, à Ramallah en Palestine. Les derniers travailleurs regagnent leurs foyers, les familles se baladent dans Rukab Street en quête de glaces, les hommes investissent les cafés à chicha et enchaînent les parties de backgammon et de cartes. L’atmosphère chaleureuse de ce début de soirée est soudainement rompue par plusieurs détonations, proches sans l’être trop. « Nous avons l’habitude, confie Samer, un passant. Ce sont les réfugiés d’Am’ari camp, au sud de Ramallah. Quand ils ne sont pas contents, ils tirent en l’air. »

Plus de soixante-dix ans après le début du conflit israélo-palestinien, la frustration de la jeunesse palestinienne est toujours aussi vive. Mais beaucoup l’expriment aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Les critiques sont récurrentes contre le voisin israélien accusé d’étouffer politiquement et économiquement la Palestine. Mais aussi à l’égard de la vieille classe dirigeante de l’Autorité palestinienne dont l’inertie est inversement proportionnelle au dynamisme exprimé par les nouvelles générations.

« Quand on a perdu notre terre en 1948, notre seule manière de rester égaux avec les juifs israéliens a été l’éducation. Aujourd’hui, c’est internet qui est le nouvel exutoire. Il permet de passer au-delà des frontières imposées par Israël et d’oublier le conflit », poursuit Samer.

Main-d’œuvre compétitive. La grande araignée s’est réellement développée avec le lancement en 1995 de Palestine Telecommunications Company (PALTEL). Privatisée en 1997, cette société emploie aujourd’hui plus de 3 000 personnes et représente un tiers de la capitalisation boursière palestinienne. L’arrivée en 2009 d’un second opérateur, Wataniya, et le développement de la 3G ont ouvert de nouvelles perspectives. Selon la Palestinian Information Technology Association of Companies (PITA), 250 entreprises opèrent dans les nouvelles technologies de l’information. Elles proposent la création de solutions logicielles (ou leur adaptation aux marchés arabes), des services Internet, la création d’animations et, plus récemment, des applications mobiles. Elles offrent également des solutions d’externalisation (saisie et gestion de données, centre d’appels, gestion paie et comptabilité…).

Les coûts de la main-d’œuvre sont très compétitifs en Palestine, de l’ordre de ceux pratiqués en Inde. Le secteur emploie plus de 9 000 personnes pour un chiffre d’affaires estimé à 700 millions de dollars par an.

« En trois ans, le chiffre d’affaires et les emplois du secteur IT pourraient doubler, voire tripler, avec une levée des restrictions, explique une note récente du Consulat de France à Jérusalem. La stratégie de développement du secteur privé palestinien estime que le chiffre d’affaires du secteur pourrait atteindre près de 1 milliard de dollars d’ici 2030 (avec 18 000 emplois directs), en s’intéressant notamment aux externalisations à haute valeur ajoutée, particulièrement sur les marchés arabes. »

Entrepreneuriat social. De nombreux incubateurs ont vu le jour dans les territoires et à Gaza comme Fikra, Gaza Sky Geeks, Gaza Gateway, Leaders, Rawabi Tech Hub, JEST, Smart X, Arabreneur, Bader, Palestine Techno Park… Ces techno park jouent un rôle prépondérant dans l’essor des start-up. « Notre incubateur accueille six start-up et 46 entrepreneurs indépendants, explique Laith Kassis, directeur opérationnel de Fikra. Nous les accompagnons dans le développement de leurs projets en leur fournissant une assistance technique et une aide pour trouver des financements. »

Parmi les jeunes entrepreneurs présents ce matin-là, des spécialistes des biotechnologies, des développeurs d’applications commerciales (réservations d’hôtels, transport local). Fadi Abukare a développé la chaîne de production éducative de dessins animés Dana TV sur YouTube. Une activité financée par les recettes publicitaires.

« Nous devons innover tous les jours pour trouver des solutions à nos problèmes », indique Lama Amr de BuildPalestine, une association qui appuie l’entreprenariat social sur le terrain. Pour remédier aux désagréments subis, les Palestiniens ont notamment développé des groupes WhatsApp qui leur donnent en temps réel les temps de passage aux différents checkpoints Jérusalem et Ramallah. Cela permet aux habitants qui accomplissent quotidiennement le trajet entre de gagner un temps précieux.

- Dans la bande de Gaza, les startupers travaillent dans des conditions difficiles avec une fenêtre d’accès à l’électricité de six heures par jour. Gaza Sky Geeks propose une aide aux jeunes cherchant des revenus dans le codage, la vente de produits en ligne. Les opérateurs palestiniens développent des solutions appliquées dans les biotechs et des business plus simples comme la retouche de photos sur Photoshop. Les entrepreneuses travaillent aussi à des applications sur le planning familial et l’éducation des femmes.

Contrôle israélien. « Nos défis principaux sont l’accès au marché, la recherche de financeurs, la composition d’équipes pluridisciplinaires et la coopération avec l’étranger », souligne Laith Kassis. Les développements futurs devaient concerner notamment les paiements en ligne, non encore autorisés par l’Etat israélien. « Cela permettrait à nos entrepreneurs de bénéficier de ressources extérieures et de mettre en œuvre des applications payantes », ajoute Laith Kassis.

En attendant, les entrepreneurs peuvent déjà bénéficier de diverses sources de financement (fonds d’amorçage de projets ; fonds souverains ; fonds de capital-risque ; aide de la Banque mondiale, de la coopération indienne, allemande ou française…). Plusieurs dizaines de millions de dollars sont apportées par des fonds comme Ibtikar Fund, Sharakat, Siraj, Palestine Growth Capital Fund, Middle East Venture Capital Fund et de grands comme Cisco, Google, Amazon, Intel et Oracle qui misent sur l’essor des activités.

Les autorités israéliennes laissent prospérer les activités tout en contrôlant les flux. Les forces de sécurité se servent des réseaux sociaux pour faire du profilage et identifier les candidats à des actions terroristes.

Dans cette région du monde où la politique n’est jamais loin, les jeunes entrepreneurs palestiniens cherchent aussi à développer de nouvelles stratégies pour contrer le narratif que tente d’imposer Israël. « Nous devons organiser des campagnes d’information digitale pour faire connaître notre situation au reste du monde », confie Ali Ghaith, journaliste et activiste palestinien reconverti dans la communication et les relations publiques.

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