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Lifta ou l’effacement de la mémoire

Publié le mardi 10 juillet 2018, Thèmes : - Culture

LIFTA ou l’effacement de la mémoire

Lifta est un village palestinien qui a été, comme beaucoup d’autres, vidé de ses habitant.e.s en 1947 par la Haganah (milice juive) juste avant la déclaration d’indépendance d’Israël ; habitant.e.s qui sont parti.e.s principalement à Jérusalem-Est ou à Ramallah.

A la différence de nombreux autres villages également vidés de leurs habitant.e.s palestinien.ne.s en 1947-48, toutes les maisons n’ont pas été détruites et le nom de Lifta existe encore.

En effet, pour la plupart des autres villages, petits et grands, le départ forcé des habitant.e.s a été suivi d’une destruction de toutes les maisons, puis des arbres ont été plantés par le Fonds National Juif pour en effacer la trace et aucune carte officielle n’en mentionne plus le nom.

Ainsi en a-t-il été pour Saffuriyah (près de Nazareth) ; le seul lieu mentionné est le moshav de Zippori qui a été établi sur les terres agricoles du village. Et pour plusieurs centaines de villages.

Or de nombreux.ses Palestinien.ne.s ont compris l’importance de la préservation du patrimoine, de la culture et de l’histoire palestiniennes. Parmi eux/elles, l’ONG Riwaq, basée à Ramallah. Celle-ci a notamment enregistré les bâtiments historiques palestiniens, 50.000 à ce jour, menacés de ruine ou de destruction.

Riwaq cherche à sensibiliser les habitant.e.s à cette question de la préservation du patrimoine et de l’histoire et à obtenir leur accord pour mener des travaux de rénovation, d’abord de maisons puis de villages. Elle souhaite aujourd’hui s’occuper d’espaces plus larges afin de contrer le morcellement des territoires palestiniens engendré par la construction de colonies, de routes réservées aux colons et par les nombreux barrages militaires qui parsèment la Cisjordanie.

En ce qui concerne Lifta, situé en Israël, c’est l’annonce d’un projet immobilier de villas et de commerces qui a fait réagir les ancien.ne.s habitant.e.s. En effet, bien qu’ils et elles n’aient jamais eu le droit de s’y ré-installer depuis leur expulsion (par contre des Juifs.ves du Kurdistan et du Yémen avaient été installé.e.s là par les autorités israéliennes, ils et elles ont été récemment encouragé.e.s à déménager pour laisser place au projet), ces ancien.ne.s villageois.e.s peuvent encore voir les maisons de leur enfance (55 restent d’avant 48), les terrasses et la piscine naturelle au centre du village. Elles et ils peuvent même espérer y revenir un jour…

Une association israélienne a même été créée pour défendre le caractère historique de Lifta.
Par ailleurs, ce village est sur une liste de l’UNESCO (liste indicative de candidats à l’enregistrement au patrimoine mondial).
Actuellement la commission municipale de Jérusalem a reporté l’examen de ce dossier en août 2018.

De quoi s’agit-il donc dans cette affaire ? Sinon de patrimoine et de mémoire, comme dans le cas des rénovations entreprises par Riwaq ?
Selon le Times of Israel du 10.07.18 : « ...c’est un témoignage figé dans le temps de la destruction des villages » de 48, note l’architecte Schmuel Groag.
C’est pourquoi le village agace autant les autorités qui « ne veulent pas que cela devienne une sorte de monument officieux à la mémoire des villages détruits » explique-t-il »
.

Mais au-delà de cette crainte, n’est-ce pas aussi le droit des Palestinien.ne.s à avoir une histoire, une culture, un patrimoine qui est menacé ? Comme mentionné au début de cet article, tant de villages n’ont plus ni vestiges (ou alors bien cachés) ni même nom, tant de Palestinien.ne.s sont obligé.e.s de vivre loin de leur village et des racines familiales, les livres d’histoire des écoles israéliennes ne mentionnent rien des habitant.e.s, du mode de vie, de la culture de la Palestine d’avant 48.

C’est pour contrer cette annihilation culturelle que Riwaq et les ancien.ne.s villageois.e.s de Lifta se lèvent. Et leur action est légitime.

Martine Ullmann, juillet 2017

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