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NORMA MARCOS, Réalisatrice palestinienne

Publié le vendredi 16 mars 2018, Thèmes : - Cinéastes

« Si Norma Marcos s’assume comme militante, elle est avant tout une journaliste qui regarde, observe et critique aussi ses semblables. « Ni historienne ni sociologue, je suis une Palestinienne vivant entre deux mondes, partagée entre ici et là-bas », se définit-elle. Depuis des années, elle raconte son univers, la Palestine et les Palestiniennes, avec une caméra. Témoignant ainsi de son attachement pour la terre familiale.

Quoi de plus normal, pour celle qui est née à Bethléem dans une famille chrétienne « installée depuis cinq siècles » sur cette terre disputée. « Cela n’a pas empêché les migrations dans ma famille », précise-t-elle. D’abord celle de son grand-père, parti faire fortune au Chili. « Quant à mon père, il n’a jamais voulu quitter notre terre. En 1967, pendant la guerre, lorsque l’armée israélienne occupait Bethléem, tout le monde voulait partir. Il y avait quatre familles installées dans notre grande maison. Mon père a pris la clé et dit : personne ne sortira. Il était très attaché à la Palestine. Mais il n’était pas politique, c’était un homme qui résistait en silence. Il a tenu à élever ses enfants en Palestine, malgré la présence et l’occupation israélienne. »

Norma ne ressemble pas à son père. Curieuse, aventureuse et indépendante, elle est partie voir ailleurs. En France, où elle fait des études à Aix-en-Provence et une thèse sur l’image d’Israël dans la presse égyptienne. [1] Puis direction la capitale française, où elle est admise au centre de formation des journalistes (CFPJ) de la rue du Louvre. Flanquée de son diplôme, Norma envoie ses premiers articles à la presse française. Ils sont refusés. Elle se tourne alors vers la presse arabe, avec plus de succès. En 1988, elle obtient une bourse accordée par l’agence de presse Reuters. Elle part ensuite à l’université de Stanford, en Californie.
Après Stanford, Norma effectue un stage dans une radio à Washington et se marie avec un Américain. Mais, très attachée à Paris, elle décide son mari à s’installer en France et reprend son métier de journaliste, tout en s’intéressant au documentaire vidéo.

En 1994, elle réalise son premier film, L’Espoir voilé, qui dresse quatre portraits de femmes palestiniennes dans leur quotidien, à l’opposé de l’image traditionnelle. Le documentaire remporte un réel succès et est diffusé sur une dizaine de chaînes européennes. Les récompenses affluent. Elle est lauréate de la fondation Umverteilen, de la Villa Médicis, obtient le prix du meilleur scénario. Elle poursuit son travail avec En attendant Ben Gourion (2006), Fragments d’une Palestine perdue (2010), Wahdons Seuls ») en 2012.

La caméra n’est pas son seul mode d’expression. En 2013, elle se lance dans la rédaction d’un livre, qu’elle intitule Le Désespoir voilé [2] , véritable miroir inversé de son premier documentaire.

Toujours des portraits de femmes palestiniennes, représentant chacune une période de l’histoire de la Palestine. Mais la tonalité est clairement pessimiste, à l’image de la situation des femmes aujourd’hui en Palestine. De la création de la première association caritative de chrétiennes issues de la bourgeoisie, en 1903, jusqu’au blocage du processus de paix entre l’État israélien et l’Autorité palestinienne aujourd’hui, elle retrace la politisation du mouvement sous l’influence du nationalisme arabe. «  Le mouvement féministe arabe a été interrompu par la révolution iranienne, qui a tout fichu à terre. Puis il y a eu les échecs des pays arabes dans la crise israélo-palestinienne et l’occupation israélienne des Territoires. Le voile est retombé sur le visage des femmes comme s’il était une identité pour se démarquer des Occidentales, affirmer leur différence. »

En 2009, Norma la militante fait parler d’elle lorsqu’elle décide de retourner dans sa famille à Bethléem pour réaliser deux documentaires. À son arrivée à l’aéroport Ben Gourion, elle est arrêtée, bien que possédant la nationalité française depuis 1988. Les autorités israéliennes exigent qu’elle fasse faire ses papiers palestiniens : étant née à Bethléem, elle est à leurs yeux palestinienne avant d’être française. Elle proteste, estimant qu’en tant que Française, elle n’a rien à demander à l’Autorité palestinienne et a le droit de voyager librement comme elle l’entend, y compris en Israël. Pour l’État hébreu, elle est palestinienne et doit donc transiter par la Jordanie et non par l’aéroport Ben Gourion. Norma campe sur ses positions. L’histoire se termine par son expulsion vers la France.

Les problèmes avaient déjà commencé en 2005, lorsqu’on lui avait interdit d’atterrir en Israël et qu’elle se retrouva dans un centre de rétention de l’aéroport. Elle se sortit du guêpier grâce à l’intervention d’une amie israélienne. De nouveau, lorsqu’en urgence elle doit se rendre au chevet de sa mère malade, elle réussit à atterrir à Ben Gourion grâce à l’intervention du Quai d’Orsay qui obtient pour elle une autorisation exceptionnelle pour raison humanitaire.

Norma est-elle militante palestinienne, féministe, ou les deux ? « Je n’aime pas trop les étiquettes. Elles me gênent. Je n’ai jamais appartenu à aucun mouvement féministe. [3]

- Filmographie :

2017 Un long été brûlant en Palestine (A Long hot summer in Palestine), un documentaire de 74’. Il a été projeté au cinema Le Diagonale, Montpellier, Le Semaphore, Nîmes et Utopia Avignon. Il est sélectionné au festival de femmes à Toulouse et au festival ERAAP dans la Région Rhône-Alpes-Auvergne…

2012-2013 Wahdon (Seuls) court métrage, 11’, distribué en mars et avril 2016 sur France3 Corse.
Sélectionné au festival de cinéma arabe à l’IMA, Paris, Tétouan, Cinéma Days de Beyrouth au Liban, Chicago, Boston, Au tour du court à Paris, Festival de courts métrages (Cluj shorts) en Roumanie, festival des Arts du Sud. Proche Orient que peut le cinéma ? aux Trois Luxembourg à Paris, Rome Independent International Film Festival, festival du Grain à Démoudre, Festival des courts à Ramallah, festival Court en Champagne, festival Combat, Bagdad International Film Festival, Golden Diana en Autriche, festival de Limoges, Festival des courts à Grasse. Festival de Contis.

2010 Fragments d’une Palestine perdue, 74’
sélectionné aux festivals de : Boston, San Francisco, Berkeley (Writer’s Guild ), Sheffield international film festival, Showroom film festival, Angleterre, Escales documentaires de La Rochelle, Cinéma Vérité, International film festival, Iran. Dubai international film festival, Kerala film festival, en Inde, Al-Ard film festival en Sardaigne, Chicago film festival, Milan film festival…

2006- En attendant Ben Gourion, (auto- production) documentaire,30’
sélection officielle au Festival international de Rotterdam (2007), Festival des cinémas arabes à Paris, AFLAM à Marseille et AMAL festival, Espagne, festivals Alger et Istanbul (Mars 2007, de Minnesota, San Francisco, San José, le festival de Namur, Altermédia festival et Israël- arabe festivals, Paris et Roubaix, Medfilm festival à Rome et Kerala film festival en Inde, Dakar film festival, Chicago film festival et au parlement algérien.

2005 Réalisation d’un documentaire sur trois danseuses orientales auto-production.

2000 Réalisation d’un documentaire, 15’, sur l’agriculture en Cisjordanie. Produit par l’ONU et préparation des événements culturels pour Bethléem 2000.

1995 Réalisation d’un film de 10’ sur Kamellia, une danseuse japonaise (danse orientale). Auto-production.

1994 Réalisation de L’Espoir Voilé (Femmes de Palestine), documentaire, super 16mm, 55’. Produit par France3.
Diffusion : France 3, Planète, Téva, TV5, SBS-Australie, Canal Horizon, la TV hollandaise, MBC (Londres), TV de Bulgarie et de Macédoine, TV5-Suisse, et plusieurs universités américaines (Stanford, Philadelphia, etc.) Sélection aux festivals : Amsterdam, Londres, Brésil, Marseille, Chine etc. Projection en salle : Utopia (Avignon, Toulouse, Bordeaux), à Bruxelles et à Genève (CAC-Voltaire).

1990 Coréalisation de Bethléem sous surveillance, documentaire 52’, pour "24 heures" (diffusion Canal +). Produit par Canal+.

1989 Assistante de réalisation sur le documentaire Yasser Arafat, Itinéraire autour de Gaza, 52’, ARTE. Produit par ARTE et TF1.

- Publications

2013 L’édition du livre :Le Désespoir Voilé : femmes et féminisme en Palestine chez Riveneuve.

- Distinctions obtenues dans le domaine de l’écriture et autres

2004 Lauréate du Grand Prix du Meilleur Scénariste pour le scénario du long métrage Nouzha.

1999 Lauréate de la bourse Villa Médicis hors les murs pour le projet de film Retrouver Jérusalem.

1988 Lauréate de la Bourse de la radio Voice of America (Washington DC)

1987 Lauréate de la Bourse REUTERS (Knightfellowship program) sélectionnée par l’agence REUTERS et L’Université de Stanford parmi 185 journalistes internationales : Etudes à l’Université de Stanford (Californie). Département : documentaire et de la Communication.


Article rédigé par Lucas T.


[1Dans une autre interview Norma Marcos précise : « Les gens s’imaginent souvent que je viens d’une famille bourgeoise, puisque je suis allée étudier à l’étranger. En France, on m’a souvent dit que si je faisais des études, ma famille devait être forcément très riche… Alors que pas du tout, je viens d’une famille plutôt ouvrière ». Pour financer ses études, Norma donne des cours d’arabe et fait des ménages.

[2À ce propos : « Dans son livre Le désespoir voilé, Norma Marcos fait défiler en toile de fond l’histoire tragique du peuple palestinien pour en dégager des portraits vibrants de cinq militantes palestiniennes de différentes générations, d’où le double mérite de cet ouvrage dont le sous-titre est Femmes et féministes de Palestine. Dès le départ, l’auteure nous prévient qu’elle ne fait pas œuvre d’« historienne » ou de « sociologue », mais qu’elle écrit « simplement en tant que Palestinienne ». Pourtant, c’est avec une très grande précision historique qu’elle fait évoluer ses portraits sur un fond dont les grandes lignes sont : la lutte contre le mandat anglais, l’expulsion des Palestinien·ne·s, les guerres israélo-arabes, l’exil des Palestinien·ne·s en Jordanie, au Liban, en Syrie, les accords de paix, la résistance des Palestinien·ne·s resté·e·s en Palestine contre la colonisation israélienne, les arrestations et les tortures qu’ils et elles subissent dans les geôles israéliennes. Norma Marcos puise ses informations dans des sources arabes, anglo-saxonnes et européennes. Elle se réfère à des historien·ne·s et des journalistes, elle cite souvent des articles de journaux et de revues. Enfin, depuis les années 1920 et « sans l’avoir délibérément cherché, le mouvement des femmes allait désormais constituer une part active de l’histoire du peuple palestinien. 1929, 1936, 1948, 1967, 1987… », écrit Norma Marcos (p. 15). Les femmes dont elle brosse les portraits ont un parcours étonnement riche et complexe. Grâce à son talent de cinéaste, l’auteure de ce livre réussit à tisser, avec le fil de l’histoire, les souvenirs, les anecdotes et les impressions évoquées par ses personnages ». La recension critique proposée par la docteure en lettres Ghaiss Jasser est disponible sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2016-2-page-116.htm

[3On trouve cette biographie dans un article de la croix, par Agnès Rotivel : « Norma Marcos Palestinienne et féministe ». disponible ici : https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Norma-Marcos-Palestinienne-et-feministe-de-caeur-2013-08-01-993533

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