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Mohammad Bakri

Publié le mercredi 15 mars 2017, Thèmes : - Cinéastes

Mohammad Bakri est un acteur et réalisateur palestinien d’Israël, né en 1953 à Al- Bana, en Galilée. Il se forme à l’université de Tel Aviv où il étudie le théâtre et la littérature arabe. En même temps, il commence à faire ses armes en tant que comédien dans les scènes locales de la capitale.

C’est en 1983 qu’il débute sa carrière d’acteur au cinéma, en jouant le rôle d’un réfugié palestinien dans Hannah K, de Costa-Gavras. Par la suite, il enchainera les rôles dans des films israéliens et internationaux.

C’est dans ces années-là que Mohammad Bakri acquiert une large reconnaissance en Israël pour son travail artistique remarquable, et peut-être aussi pour ce qu’il représentait alors : l’intégration réussie d’un « palestinien de l’intérieur ».

Dans les années 1990, l’acteur partage son temps entre les plateaux de cinéma et les scènes de théâtre : il joue en hébreux, en arabe et en français. Il vient d’ailleurs se produire en France : il apparaît en scène avec Ouriel Zohar au Théâtre de la Villette à Paris, mais aussi à la scène nationale de Cergy-Pontoise, ou encore à Lille. Il se fait connaitre dans toute l’Europe et participe au Festival de la Paix à Bruxelles et continue à tourner et à mettre en scène des pièces dans d’autres pays. 

En 1999, Mohammad Bakri passe de l’autre coté de la caméra pour réaliser son premier documentaire, sur un thème qui l’éloigne largement des standards du cinéma et du théâtre. Il choisit d’aller à la rencontre de réfugiés ayant vécu l’exil de 1948 afin de les faire témoigner. Le réalisateur appartient à cette génération qui n’a aucun souvenir personnel de 1948, mais qui œuvre pour que chaque jeune vivant en Israël, juif ou palestinien, comprenne la souffrance des déplacés de la Nakba.

Aujourd’hui, malgré une longue carrière d’acteur, on connait surtout Mohammad Bakri pour son travail de réalisateur engagé et controversé, notamment à cause de la polémique engendré par son second documentaire : Jenin Jenin, réalisé en 2002 après la destruction d’une partie du camp de Jenin (cisjordanie) par l’armée Israélienne. Cet évenement marque un tournant dans la carrière de Mohammad Bakri, désormais considéré comme un paria parmi les siens à Tel Aviv. Sa carrière d’acteur sera stoppée nette, on le verra beaucoup plus rarement au cinéma, et jamais plus dans des films israéliens. La voie de la réalisation — qu’il affirme avoir emprunté, non pas par vocation, mais du fait de la contingence des évènements politiques — sera désormais la sienne.

En 2002, au moment de la seconde intafada, le gouvernement israélien lance l’opération rempart, avec pour objectif de neutraliser les kamikazes palestiniens, mais la réalité sera celle de la réduction en cendre d’une partie du camp de Jenin — qui fait des centaines de morts et des milliers de disparus — par les forces israéliennes. A ce moment là, Mohammad Bakri va tourner dans la ville dévastée : « Au moment de l’invasion du camp de Jenin, qui a commencé le 29 Mars 2002, je donnais des représentations dans un théatre, et j’avais mis en scène un pièce de Llorca. Alors les choses se passèrent ainsi — il y eu des évènements alarmants en Cisjordanie, notamment à Jenin, dans le camp. Et donc nous manifestions, nous étions quelques personnes, une centaine tout au plus, de Juifs et d’arabes-israéliens. Nous étions en train de manifester à un checkpoint dans Nord, un checkpoint en bordure du camp de Jenin, avec des slogans tels que « Stop à la guerre », « Arrêtez le massacre » — enfin, toute sorte de slogans pacifistes. Puis tout à coup, un soldat israélien s’est retourné, il est passé par-dessus la barrière en nous fixant d’un regard noir, il a dégainé son arme, un M-16, et il a commencé à nous tirer dessus. Mon collègue, qui était acteur dans la pièce que j’avais monté, dans la meme pièce ou nous jouions tous les deux, a été touché par un balle qui a éclaté sa main. » [1]

Après cette journée, il n’est plus question d’hésiter pour Mohammad Bakri, il faut alerter l’opinion de ce qu’il se passe à Jenin. Si une telle violence s’exerce sur de simples manifestants, qui plus est des individus ayant la nationalité israélienne, le comédien se demande ce qu’il en est à l’intérieur du camp, pour les palestiniens qui n’ont aucun droit au regard de la législation israélienne.

Après quelques semaines, une fois que l’accès au camp fut de nouveau autorisé, Mohammad Bakri prend sa caméra afin de tourner ce qui deviendra le documentaire controversé : Jenin Jenin.
« Quelques jours après l’invasion de Jénine par l’armée israélienne, un vieil homme se fraye un chemin parmi les décombres des habitations du camp de réfugiés et implore Allah. Dans cette petite enclave palestinienne mise à feu et à sang, des hôpitaux ont été éventrés sous les bombardements aériens et un nombre important d’habitants dont des enfants, des femmes, des vieillards et des handicapés ont été touchés par l’offensive de l’armée israélienne. Choqués par la densité du drame, des résidents témoignent des atrocités et des massacres commis ; ils expriment leur révolte contre l’oppression et contre les humiliations subies. Les traumatismes liés à l’agonie d’enfants et à la mort d’innocents s’ajoutent aux ambitions, aux espoirs et aux rêves annihilés. Impuissant, le peuple palestinien crie sa souffrance et sa colère au reste du monde. »

Après seulement trois diffusion, le film est interdit en Israël, accusé de propagande, il va clairement à l’encontre des politiques de communication publique mises en place par l’État israélien autour de l’opération rempart — dont on a fait la promotion comme une opération visant l’horizon de l’extermination du terrorisme dont la ville de Jenine aurait été le principal foyer, dans le climat tendu de la répétition d’attentats kamikazes dans le pays.

Cette interdiction intervient au moment où la polémique éclate autour du comportement de l’armée israélienne lors de l’intrusion dans le camp, et du nombre de morts qui varie largement selon les sources.

La censure est contestée par Bakri, et après plusieurs renvois devant la justice, la cour suprême finit par lever l’interdiction, en qualifiant tout de même le film de "mensonger". Cependant le lynchage du réalisateur ne s’arrête pas là, en plus des critiques de la presse, il est — quelques années plus tard — poursuivi en justice par des soldats à cause de la diffusion clandestine de son film par la cinémathèque de Tel Aviv, pendant l’interdiction.

Le documentaire obtient tout de même quelques soutiens internationaux : il reçoit le Prix du meilleur film au Festival international du film de Carthage en 2002, Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen 2003

Dans la suite des tumultes provoqués par Jenin Jenin, Mohammad Bakri choisit de réaliser un film plus personnel, Depuis que tu n’es plus là, qui sonne comme une réponse artistique et politique pour clarifier sa position et réaffirmer son propos, celui de la lutte pacifiste : Il s’exprimait en ce sens dans un interview accordé au journal le Monde : « Les Palestiniens auraient dû renoncer à la violence depuis longtemps. J’élève mes enfants en leur expliquant que la résistance peut passer par le cinéma, le dialogue, le théâtre ou les manifestations [2]

Le film a été projeté au festival du film palestinien de Genève, Filmer c’est exister. Les organisateurs le décrivent en ces termes : " Mohammed Bakri se rend sur la tombe de son ami et mentor, l’écrivain palestinien et membre de la Knesset Emil Habibi. Ensemble ils avaient rêvé d’une possible coexistence entre les peuples palestinien et israélien. Dans ce moment intime, il tente de lui résumer les changements aussi bien personnels que politiques qui se sont produits en Israël et en Palestine depuis sa mort.

Bakri revient sur les évènements qui ont ébranlé ses convictions : le tumulte provoqué par son film Jenin, Jenin en 2002, l’implication de son neveu dans une attaque contre un bus israélien. « Les médias israéliens ont utilisé cet acte, que je réprouve totalement, pour faire un amalgame entre le terrorisme et mon film. Ils ont sali mon nom et voulu détruire ma famille. Des députés israéliens ont pu dire à la Knesset que j’étais « un terroriste sans que cela ne provoque de réactions ».

Riche en archives et extraits de films personnels, Depuis que tu n’es plus là est comme une lettre très personnelle à un ami éloigné."

En 2009 il prend de nouveau la caméra et réalise Zahra.
Zahra est la tante de Mohammed Bakri, une femme de 80 ans dont il nous raconte le destin, commun à bien des femmes de cette génération. Zahra a épousé son cousin Hassan. En 1948, son mari est mis en prison par les autorités israéliennes.
Zahra fuit alors leur village d’Al Bana en Galilée, avec ses deux petits enfants, pour le Liban. Elle revient secrètement au village. Son mari est libéré, mais il meurt prématurément. Elle va donc se débrouiller pour élever seule ses dix enfants.
Au fur et à mesure que Zahra raconte, nous nous retrouvons face à l’établissement violent de l’État d’Israël, ainsi qu’à la transformation radicale de la société palestinienne, devenue minorité dans sa propre patrie.

- Mohammad Bakri a été le parrain du 7e festival "Palestine En Vue"

Filmographie :

Acteur.

2016 : Of Kings and Prophets, Samuel

2014 : Tyrant, Sheik Rashid

2010 : Marriage and Other Disasters, Bauer, 2010

2007 : La Masseria Delle Allodole / The Lark Farm, by Paolo and Vittorio Taviani (Italy)

2004 : Private, by Saverio Costanzo (Italy)

2001 : The Olive Harvest, by Hannah Elias (Palestine)

2001 : The Body, by Jonas McCord (USA. Filmed in Israel)

1997 : Desperado Square, by Benny Toraty (Italy/Israel)

1996 :Haifa, by Rashid Masharawi (Palestine/Netherlands)

1995 : Sous les pieds des femmes, by Rachid Krim (France)

1994 : The Milky Way, by Ali Nassar (Israel)

1994 : The Tale of the Three Jewels, by Michel Khleifi (Palestine/Belgium)

1994 : Beyond the Walls II, by Uri Barabash (Israel)

1991 : Cup Final, by Eran Riklis (Israel)

1989 : Foreign Nights, by Izidore K. Musallam (Canada)

1988 : Rami og Julie, by Erik Clausen (Denmark)

1987 : Death Before Dishonor, by Terry Leonard 

1986 : Esther, by Amos Gitai (Israel/UK)

1984 : Beyond the Walls, by Uri Barabash co-wrote with Eran Preis, (Israel)

1983 : Hanna K. by Constantin Costa-Gavras (Israel/France)

Réalisateur.

1999 : 1948 (Palestine/Israel)

2002 : Jenin, Jenin (Palestine)

2004 : Since You Left (Israel)

2009 : Zahra (Palestine)

Lucas.

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