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La situation économique et financière palestinienne juin 2015

Publié le jeudi 3 septembre 2015, Thèmes : - Économie

L’économie palestinienne est fortement contrainte par les restrictions et contraintes découlant de l’occupation israélienne et les incertitudes liées au conflit israélo-palestinien qui nuisent à sa compétitivité. Après le cycle vertueux (diminution des contraintes imposées par Israël / hausse de l’aide internationale / réformes structurelles de l’Autorité palestinienne - AP) conduisant à une forte croissance économique, l’économie s’est fortement ralenti et est entrée en récession en 2014, notamment avec l’impact du dernier conflit à Gaza. Malgré une baisse continue de son déficit, la situation financière de l’AP est plus que jamais critique.

- Structure de l’économie palestinienne

Les Territoires palestiniens (TP) forment une économie de petite taille (PIB estimé à 12,7 Mds $ en 2014), divisée en trois marchés distincts physiquement et politiquement (Cisjordanie, Jérusalem-Est, bande de Gaza). Elle est fortement contrainte par l’occupation militaire israélienne (restrictions sur l’accès et les mouvements des personnes et biens, sur l’accès aux ressources naturelles, blocus de Gaza…) et les incertitudes liées au conflit. La richesse par habitant est faible comparativement aux pays voisins (2 800 $).

L’économie palestinienne est très dépendante de l’économie israélienne (81,7% des exportations et 71,3% des importations selon les chiffres officiels 2013) avec qui elle forme une quasi-union douanière instituée par le Protocole de Paris. En raison des contraintes pesant sur l’accès aux marchés extérieurs et la compétitivité palestinienne, les exportations de marchandises et de services sont limitées (18% du PIB) et se caractérisent par leur faible valeur et diversification. L’Autorité palestinienne (AP) dispose d’une capacité de politique commerciale réduite (pas de contrôles aux points d’entrée, peu de leviers sur la politique commerciale, union douanière avec Israël…). Les TP restent néanmoins très ouverts aux produits étrangers. Les IDE restent très faibles (stock de 2,45 Mds $ incluant IDE des entreprises et ménages étrangers, soit 19,3% du PIB), même s’ils ont sensiblement augmenté depuis 2009. Les actifs des entreprises sont originaires à près de 80% de Jordanie. Le compte courant, hors transferts officiels, accuse un déficit de 18,6% du PIB en 2014.

L’économie palestinienne est essentiellement une économie de service avec un secteur public très important (22,9% des employés) en particulier à Gaza (double administration), une industrie limitée (14,5% avec l’extraction de pierres) et une agriculture en perte de vitesse (3,8%). Le secteur de la construction représente 7,2% du PIB. L’économie palestinienne n’est pas en capacité de tirer pleinement partie de ses avantages comparatifs potentiels (climat diversifié et unique pour l’agriculture, main d’œuvre éduquée, importante diaspora, atouts touristiques…). Elle est tirée par la consommation (115% du PIB), alors que les investissements se limitent à 18,6% du PIB, essentiellement dans l’immobilier, et ne permettent pas le renouvellement des équipements productifs. Cette consommation est soutenue par les revenus étrangers constitués des salaires des 11,7% des Palestiniens travaillant en Israël (9,1% du PIB) et les transferts de l’étranger (9,5% du PIB).

Le secteur privé, composé de quelques « grandes entreprises » (137 ont plus de 100 employés) et essentiellement de microentreprises, n’est pas en mesure d’absorber la croissance de la population active avec un chômage fluctuant entre 21% et 31% depuis 2001 et une faible participation (inférieure à 46%), notamment des femmes. Il souffre d’un manque de compétitivité en comparaison avec ses voisins (logistique beaucoup plus couteuse et longue qu’en Israël, difficulté d’exporter, faible effet d’échelle, coût relativement élevé des facteurs de production, dont la main d’œuvre avec un salaire minimal de 400€ par mois …).

Le climat des affaires est principalement déterminé par le contexte politique (restrictions / incertitudes concernant le processus de paix…). La fragmentation, politique et géographique, des marchés (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) entraine une concurrence imparfaite. La corruption ordinaire est jugé faible, notamment comparativement à la région MENA, bien que le favoritisme soit prévalent. La main d’œuvre est très éduquée, même si l’adéquation avec les besoins du marché est imparfaite.

Sur le long terme, l’économie palestinienne a été très fluctuante suivant les épisodes de conflit et les périodes d’assouplissement des contraintes. Ainsi, la conférence de Paris de décembre 2007 a permis d’enclencher un cycle vertueux combinant afflux d’aide internationale, réformes structurelles de l’Autorité palestinienne et levées de restrictions israéliennes permettant à la croissance d’atteindre 12,4% en 2011.

- Eléments d’analyse conjoncturelle

En raison en particulier de l’absence de levée substantielle des restrictions imposées par l’occupation ces dernières années et plus récemment de perspectives de résolution du conflit, le rythme de croissance s’est fortement ralenti à 6,3% en 2012, puis 2,8% en 2013. Dans un contexte fortement dégradé début 2014, notamment dans la Bande de Gaza en conséquence de la destruction des tunnels de contrebande avec l’Egypte, le conflit « Bordure protectrice » de l’été 2014 a eu un impact considérable sur l’économie palestinienne. Le FMI estime qu’elle s’est contractée de -0,4% en 2014, dont -15% dans la Bande de Gaza. Le taux de chômage a augmenté de 3 points en 2014 (26,9% dont 43,9% à Gaza, soit le plus fort taux au monde). Le coût de la reconstruction à Gaza est estimé à 4 Mds $, sans prendre en compte les besoins préexistants de ce territoire (notamment un déficit de 75 000 logements). La conférence du Caire en octobre 2014 a permis d’engranger des promesses d’aide de 5,1 Mds $ selon le suivi fait par la Banque mondiale, dont 2/3 pour la reconstruction en tant que telle et l’autre en soutien à l’Autorité palestinienne, mais cette aide tarde à se matérialiser hors la réhabilitation des logements partiellement endommagés. Mi-mai 2015, 27% de cette aide aurait été déboursée. L’économie devrait bénéficier d’un faible rebond en 2015 (+3% dont +6,5% dans la bande de Gaza / +2% en Cisjordanie) si la reconstruction se met en place, ce qui ne permettrait pas de créer suffisamment d’emplois.

Le stock des investissements étrangers (4,7 Mds $) a diminué de 4,7% en 2014, dont -0,3% pour les IDE (flux net de 176 M$). Les actifs palestiniens à l’étranger, essentiellement composés de liquidités dans les monnaies étrangères en circulation, ont augmenté de 2,1% à 5,9 Mds $. Le compte courant, structurellement déficitaire en raison de l’important déficit commercial, devrait s’améliorer en 2015 (-15,1% du PIB contre -18,6% en 2014). La dette externe diminue progressivement et s’élève à 9,9% du PIB, dont 40% est considérée comme un don.

Malgré des progrès continus de consolidation fiscale depuis 2007, la situation financière de l’AP est plus que jamais critique, en raison des limitations des moyens de financement à la portée du gouvernement palestinien (endettement bancaire local, arriérés de paiements aux fournisseurs privés et au système de retraite). En 2014, le budget palestinien a accusé un déficit total, avant aide externe, de 11,9% du PIB (1,59 Mds $), en légère amélioration par rapport à 2013 (le déficit des dépenses courantes a quant à lui diminué de 5%). Il n’a pas pu être couvert par l’aide internationale (1,27 Mds $ incluant l’aide budgétaire et l’aide projet transitant par l’AP), ce qui a entraîné une nouvelle augmentation des arriérés. Le gel du transfert des taxes perçues par Israël pour le compte de l’AP (70% des recettes palestiniennes hors dons) entre janvier et avril a conduit, à défaut d’aide extérieure substantielle, l’AP à augmenter son endettement auprès des banques palestiniennes et à ne payer ses fonctionnaires qu’à hauteur de 77%. Le budget 2015 adopté en juin prévoit une hausse du déficit total (18,7% du PIB), malgré une nouvelle baisse du déficit courant, en raison des dépenses supplémentaires liées à la reconstruction de Gaza et d’un plan de réduction de moitié des arriérés au secteur privé. Le FMI prévoit une diminution de l’aide budgétaire extérieure (860 M$ contre 1 Md $), même si l’aide projet transitant par l’AP devrait augmenter significativement (600 M$, dont 400 pour Gaza). Le FMI estime que le besoin de financement non couvert devrait atteindre près de 500 M$. La condamnation à New York dans le cadre du procès Sokolow (sanction pouvant atteindre jusqu’à 1 Md $) ajoute à l’incertitude concernant la survie financière de l’AP.

- Politique économique

L’AP n’a pas de marges sur la politique monétaire et ses marges budgétaires sont excessivement contraintes en raison d’un secteur public surdimensionné (la masse salariale représente plus de la moitié des dépenses). Dans une économie basée sur la consommation, la maitrise de la hausse de la masse salariale publique, malgré une forte croissance démographique (+2,9%), a un impact fort sur l’économie. L’inflation est maîtrisée (1,7% en 2014 / 1,6% projeté par le FMI pour 2015). En raison de l’ancrage de son économie (et de son taux de TVA) à Israël, elle suit globalement le rythme de l’inflation israélienne.

L’AP ne peut pas recourir aux instruments habituels d’endettement. La dette palestinienne se compose de prêts auprès des IFIs et de donateurs internationaux (25%), de l’endettement auprès des banques locales (25%), majoritairement à court terme, et d’arriérés de paiement au secteur privé (14%) et au système de retraite (36%). La dette a augmenté fortement depuis 2012 pour atteindre 5 Mds $ (+23%), soit 39% du PIB, proche du plafond légal (40%). Le FMI estime que la dette reste soutenable, mais que son niveau est très sensible aux chocs.

- Secteur bancaire

Le secteur bancaire reste peu développé. L’intermédiation financière représente 3,4% du PIB et les prêts au secteur privé 28,6% du PIB. Trois monnaies sont utilisées (shekel israélien, dollar américain et dinar jordanien). La supervision est jugée efficace et prudente et les indicateurs bancaires sont satisfaisants. Le secteur bancaire a peu souffert de la crise financière et a maintenu un taux de prêt non performant autour de 3%. Les stress tests montrent une forte résilience face à différents scenarios de chocs. L’exposition, directe et indirecte, à l’AP est cependant jugée trop élevée. L’Autorité monétaire palestinienne continue progressivement sa préparation pour exercer pleinement les métiers de banque centrale. Elle a mis en place un système de garantie des dépôts (jusqu’à 10 000 $) pour rassurer les déposants et son bureau de crédits est considéré comme très innovant et efficace.

Source Ministère des finances et de l’économie français


Voir en ligne : http://www.tresor.economie.gouv.fr/...

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